Zéro déchet en voyage (en Grèce)

Publié le 3 juillet 2017

Tags : Voyages zéro déchet Société

J’ai passé 2 très belles semaines au fond des Cyclades. Comme on ne se refait pas, voici les actions menées et les idées qui me viennent sur la gestion des déchets, là où nous étions et en voyage plus généralement.

En avion

On a commencé par… exploser notre empreinte carbone en prenant l’avion. Je sais que l’industrie du voyage aérien est hyper polluante et consommatrice, et j’aurai sérieusement aimé voyager en train ou en bateau pour éviter ça, mais quand on n’a que 2 semaines difficile de résister à l’idée de faire des milliers de kilomètres en quelques heures seulement quand le prix des billets est si bas (pour info : c’est artificiel, l’aviation est sponsorisée à mort).

Et puis voir l’Europe depuis 10km d’altitude c’est malgré tout très émouvant et très excitant… Pas de frontières, des montagnes immenses écharpées de nuages, des fleuves qui sinuent entre des champs minuscules… C’est incroyable que s’éloigner de 10km à la verticale plutôt qu’à l’horizontale change autant la perspective.

les Alpes dans les nuages derrière l'aile de l'avion

En tout cas, dans l’avion, le zéro déchet c’est mort : interdiction de transporter des liquides, repas en boîtes, couverts en plastique à usage unique, et un gobelet différent pour le jus de fruit et pour le thé alors que ce sont exactement les mêmes gobelets qui sont distribués… On marche sur la tête. Tout ça pour que les compagnies puissent mettre leur nom sur chaque serviette et chaque gobelet ! Nous récupérons nos couverts, serviettes et rince-doigts pour les pique-niques à venir, c’est toujours un usage de plus pour ces cochonneries.

Sur Santorin

Sur place notre premier geste est de débrancher le frigo, bruyant et inutile. Le deuxième, d’aller acheter fruits et légumes frais locaux —avec nos sacs en tissu. Nous pestons un peu en voyant que les olives en sachet plastique sont plus chères que les mêmes en bocaux. Le troisième geste, nettoyer les bocaux vides pour nous en servir de contenants étanches pendant les pique-niques. Ouf ! Ça va mieux.

Ici les sources ne suffisent pas à alimenter l’île en eau potable —surtout vu la densité de touristes, même en basse saison, et parce qu’il y a facilement 1 piscine pour 10 touristes. Du coup, l’eau du robinet est de l’eau de mer filtrée. Maximum magnésium, on a l’impression de manger plus qu’on ne boit. Les touristes achètent de l’eau en bouteille à tour de bras, nous nous refusons de craquer et, même s’il faut un peu se forcer au début, prenons l’habitude de boire l’eau du robinet.

L’île trie ses déchets : les grands bacs vont deux par deux. Ils sont souvent ouverts (pour éviter d’exploser à cause de la fermentation ?) et les déchets s’envolent dans les jardins, les champs, s’accrochent dans les arbres…

En ville en revanche une seule sorte de poubelle, en faible nombre par rapport à Lyon, et beaucoup de déchets sur les plages.

Malheureusement personne ne semble composter. Nous avons donc régulièrement enfouis nos déchets organiques, coupés en petits morceaux, sous des tas de branches au coin des champs. De vrais sauvages !

Première baignade : les masques EasyBreath nous permettent de découvrir l’incroyable vie du bord de mer. Des centaines de poissons courent au ras du sable, leurs formes et couleurs nous émerveillent. Et l’eau est tellement bonne par rapport au soleil brûlant, c’est facile de rentrer dedans ! C’est du plastique mais je recommande, ça permet de voir la magie de la nature à portée de main.

Se protéger du soleil

À toute heure des touristes sont allongés sur les transats des restaurants du bord de mer, luisants de crème solaire bourrée de pétrochimie et de perturbateurs endocriniens. Bon appétit les poissons… Nous, on se protège à l’ancienne : pantalons, manches longues et chapeaux aux heures où le soleil tape. Et sieste jusqu’à 16h pour éviter les rayons les plus durs, c’est gratuit et garanti non cancérigène !

Au final nous n’aurons pas utilisé une seule goutte de crème solaire (même pas une crème solaire maison) et bronzé sans trop brûler malgré les longues marches au soleil de la deuxième semaine. Et quand nous nous sommes exposés nous avons écouté notre peau et ne sommes pas restés au-delà du confortable.
À changer : pas grand-chose, juste à trouver des chapeaux qui couvrent jusqu’au bout du nez.
Astuce : un t-shirt mouillé coincé sous le chapeau permet de stocker l’humidité et la fraîcheur et de protéger la nuque. Nouer les manches sur l’arrière évite qu’elles pendent et que la nuque soit découverte par le vent.
Autre astuce : les pantalons dont les jambes peuvent se détacher pour se transformer en bermuda ou en short sont très bien (surtout quand on marche dans les herbes un peu piquantes) mais un sarong fait aussi très bien l’affaire, il suffit de l’enrouler un peu plus à la taille pour découvrir les jambes. Et les jambes apprécient la libre circulation d’air !

En parlant de sarong, ils nous ont bien servi :

Ce ne sont peut-être que de simples tubes de tissu, mais on peut faire tellement avec que c’est sans conteste ce qui nous a le plus servi dans tout le voyage. Et pas une seule personne n’est venu me faire remarquer que les jupes ne vont pas aux hommes —de toute façon leur prêtres, comme en France, portent des robes longues !

Zéro déchet dans la trousse de toilette

On se passe très bien de savon même pour rincer l’eau de mer (et puis on trouve toujours du savon pour les mains sur place), par contre le sel dans les cheveux est très tenace. J’ai supporté d’avoir les cheveux “gominés” mais un petit morceau de shampoing solide peut être utile pour qui n’aime pas cette sensation.

Anecdote : on m’a appris que les punks faisaient tenir leur crête en se plongeant les cheveux dans de l’eau hyper sucrée. Comme ils étaient un peu trop appréciés des insectes butineurs, ils sont passés à l’eau salée…

Pour voyager léger nous avions emporté un peu de dentifrice maison dans un boîtier à lentille. C’est un contenant pratique pour de petites quantités, de solides ou de liquide, ou pour bagues et boucles d’oreille. Et un flacon d’huile essentielle nous a permis d’emmener un peu d’huile de noisette pour nourrir la peau, sans être enquiquinés aux contrôles d’aéroport.

Les cotons lavables ont bien servi aussi, même si pendant la semaine de jeûne la peau ne demandait aucun entretien. Les enveloppements quotidiens à l’argile naturelle de Paros y sont peut-être pour quelque chose aussi 🙂

Pour la lessive, nous avions un petit morceau de savon de Marseille (vérifier la composition, l’appellation n’étant pas régulée, n’importe qui peut faire n’importe quoi et l’estampiller “savon de Marseille”). Ça nous a permis de voyager léger, en lavant et rinçant nos habits tous les 3-4 jours. Et entre la chaleur du jour et le vent la nuit, tout était sec en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire ! Paradoxalement, le soleil trempe les habits quand on les porte mais les sèche quand on les étend. Bien sûr nous avions nos petits mouchoirs. Ils ne nous ont servis que les lendemains des jours où du pain blanc nous était servi. Comme en France, gluten => nez qui coule.

Déplacements

Sur place nous avons beaucoup marché, c’est une bonne manière de découvrir le vrai côté de l’île et des villes. Nous avons parfois fait du stop pour remonter de la plage jusqu’au village tout en haut de la colline d’Anafi.

Sur Santorin, nous avions réservé une navette pour rejoindre la location depuis l’aéroport et s’éviter une heure de marche à l’aveuglette en pleine nuit. Bien nous en a pris : les rues n’ont pas de nom, et la location n’était absolument pas signalée ! Le site de réservation de navette Hoppa nous a bien servi pour ça.

Par contre le jour où nous avons voulu aller voir le fameux coucher de soleil à Oia, le bus était plein et nous n’avons pas pu monter dedans. Nous nous sommes rabattus sur un quad (bêêêrk !) qui nous a donné beaucoup plus d’autonomie que le bus. Si vous allezà Santorin, sachez qu’ un GPS vous sera bien utile, les panneaux de circulation ne sont pas d’une grande aide… Par contre la manette des gaz du quad fait mal au pouce sur les routes cabossées. On m’a conseillé de scotcher une cuillère dessus pour l’allonger, pour appuyer de la paume plutôt que de se faire une tendinite express.

Soleil couchant sur Oia depuis Imerovigli

Environnement

Sur Anafi les plages sont très propres, surtout les trois Roukounas, où s’installent pour l’été des hippies nudistes venus de toute l’Europe. Peut-être qu’ils consomment moins de plastique ou qu’ils gèrent mieux leurs déchets (ils les rassemblent dans des sacs accrochés aux arbres).

Sur la plage du monastère en revanche on a ramassé des dizaines de déchets plastique, morceaux de bidons, bouchons de bouteille, pailles en décomposition. Je pense qu’ils échouent là, après avoir été jetés de bateau ou emportés par les vagues depuis les autres plages.

Le long des chemins nous avons ramassés beaucoup de bouteilles d’eau, quelques canettes, bouteilles en verre cassées, des boîtes de sardines et plusieurs dizaines de cartouches de chasse plus ou moins rouillées.

Je trouve incroyable que les habitants eux-mêmes polluent l’environnement où paissent leurs chèvres et les quelques sentiers de marche qui permettent d’apprécier la beauté sauvage de l’île. J’imagine que l’habitude de jeter les reliefs de son repas ou les cartouches est restée malgré le changement dans les emballages. Dommage… Un étiquetage ferait peut-être quelque chose, mais une action d’éducation aura probablement plus d’impact. Nous espérons que les kilos de déchets retirés des chemins inciteront les prochains à mieux respecter les lieux.

Nous avons en revanche été très ennuyés par la mode des cafés frappés/glacés servis à emporter dans des gobelets en plastique et toujours avec une paille. Un système de consigne permettrait peut-être d’éviter d’en retrouver autant dans la nature.

En Grèce aussi il a fallu insister pour qu’on ne nous distribue pas de sac dans chaque magasin. Vivement que la législation européenne sur les sacs plastique soit retranscrite en Grèce… Mais certains commerçants apprécient notre démarche, c’est déjà ça.

À souligner : à Chora sur Anafi, des “bibliothèques” en accès libre proposent des livres dans différentes langues. Plutôt chouette !

Au café ou restaurant il faut prendre le réflexe de refuser les pailles. Les serviettes en papier étaient en libre service, nous avons pu les éviter. Par contre les nappes sont en papier…

Consommer sur place, pour profiter de l’ombre et éviter les emballages jetables. Quand on nous a servi de l’eau minérale nous avons récupéré les bouteilles pour les randonnées, et au final j’emporte des feuilles de câprier salées dans la petite bouteille parce que la boîte dans laquelle elles nous a été vendue n’était pas étanche. Encore un usage pour cette pauvre bouteille (en espérant que le sel n’attaque pas le plastique…).

Pour éviter les plateaux couverts d’emballages jetables sur le ferry, nous avons amené notre pique-nique : pain, tapenade, biscuits, fruits, et un peu de fromage et de miel. Nous n’étions pas les seuls à faire comme ça.

Faune et flore

L’œil inaverti ne verrait dans ces montagnes rases qu’un désert mais les chèvres arrivent à brouter et nous nous sommes régalés des parfums et des couleurs, et à bien y regarder la plupart des plantes là-bas sont comestibles ou portent des fruits qui le sont : fenouil sauvage, raisins et feuilles de vigne, oliviers, palmiers dattiers, cactus couverts de figues de barbarie, câpriers, moutarde de mer, chicorée sauvage, mûriers, tomates (attention la plante est toxique, c’est la famille du tabac et de la pomme de terre), et bien sûr romarin, sauge, origan poivré ou non…

Pour le mûrier, c’était la révélation gustative de l’année : chaque fruit est un festival de goûts différents et l’arbre était généreusement chargé de fruits même en cette saison. À planter, si cette merveille peut s’adapter à nos climats…

Et en rentrant j’ai découvert que nous avons passé de nombreux agaves, une plante incroyable. Résistante au feu, capable d’attendre des années avant de faire des fleurs, et selon les variétés bonne à tout : les épines font des aiguilles, les fibres des feuilles peuvent être tressées pour faire des cordes, les graines et les rhizomes se mangent, et la grande hampe fournit un bois solide et rectiligne. Un cadeau des dieux…

Les sacs à vrac nous ont bien servis pour emporter avec nous un peu de la magie de l’île : branches de sauge au parfum sauvage, feuilles d’eucalyptus à faire infuser pour se dégager les bronches en hiver, et romarin pour des infusions délicieuses. Par contre la sauge a failli nous faire louper notre vol : à l’aéroport elles ont été prises pour des têtes de cannabis !

J’ai cherché partout des fleurs d’eucalyptus à glisser dans un pot en verre pour en faire sentir le parfum à ma fille à mon retour mais Anafi étant plus au sud la floraison était déjà passée. J’imagine sans effort une glace ou un sorbet avec ce parfum entêtant et presque charnel, entre la vanille et le pain au lait…

À tester

Des makis-sushis où la feuille de vigne remplace les algues (des “dolmakis” ?). L’idée nous est venue en réalisant qu’il n’y avait qu’un petit pas entre dolmadès et makis. Végétariens bien sûr, ils sont tellement meilleurs !

Je ferai probablement du vin de sauge avec les branches ramenées, et peut-être aussi tenterons-nous de faire un sorbet miel et sauge, ou miel et thym. Ou origan ? Tout sent si bon…

Je suis étonné que le fenouil sauvage ne soit pas récolté, ou peut-être n’est-il pas servi aux touristes ? Et vu sa présence, je m’attendais à voir son cousin domestique cultivé partout, mais il nécessite peut-être plus d’eau.

J’aimerai savoir comment convaincre les commerçants là-bas de passer aux gobelets consignés, de ne plus donner de pailles, de ne plus servir d’eau en bouteille, de vendre leurs produits traditionnels dans des sacs en tissu ou en toile cirée… Mais je ne sais pas comment sans passer pour un enquiquineur. Vous avez des pistes ?

Post-scriptum

Avant de reprendre l’avion de retour à Athènes, nous avons été accueillis par une forte puanteur… Depuis deux semaines les éboueurs sont en grève pour protester contre les conditions de travail à cause des mesures d’austérité. Les poubelles débordaient absolument partout en ville… Une occasion en or de promouvoir le zéro déchet pour la municipalité mais je doute que quiconque y ait pensé.

Poubelle débordant à Athènes

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